Quand j’étais adolescent, je n’avais pas Internet. Et pourtant, cela ne m’empêchait ni d’être heureux, ni de m’amuser, ni même de m’instruire. Quand je passais du temps devant les écrans c’était seulement pour regarder la télévision et de temps en temps jouer à des jeux vidéos.
Aujourd’hui, les enfants et les adolescents grandissent dans un univers saturé d’écrans. Les réseaux sociaux, en particulier, occupent une place de plus en plus envahissante dans leur quotidien. Plus de la moitié des 10-14 ans posséderaient un compte, souvent sans véritable encadrement. Cette exposition précoce n’est pas anodine : elle survient à un âge où la personnalité se construit, où la vulnérabilité émotionnelle est à son comble.
De nombreuses études ont établi un lien direct entre l’usage intensif des réseaux sociaux et l’apparition de troubles anxieux ou dépressifs chez les jeunes. En les poussant à se comparer en permanence, en mettant en avant des vies idéalisées et souvent fausses, ces plateformes fragilisent leur estime de soi. À cela s’ajoutent des dangers concrets : harcèlement en ligne, désinformation, vol de données, piratage, voire mauvaises rencontres. Certaines jeunes filles, par exemple, se laissent influencer par des contenus suggestifs et publient des photos qu’elles pourraient regretter.
En tant qu’enseignant, j’ai pu constaté les effets de cette surexposition : chute du niveau scolaire, désintérêt croissant pour les savoirs fondamentaux, baisse de la concentration et de la mémoire. La culture générale recule, et avec elle, la capacité à réfléchir, à débattre, à comprendre le monde autrement que par des vidéos de quelques secondes.
Face à cela, la loi du 7 juillet 2023, instaurant une majorité numérique et renforçant le contrôle parental, constitue un premier pas. Elle interdit notamment l’inscription des mineurs de moins de 15 ans sur les réseaux sans autorisation parentale, oblige les plateformes à vérifier l’âge et impose des outils de surveillance. Mais cette loi, bien que salutaire, reste insuffisante. Les moyens de la contourner sont nombreux, et tous les parents ne sont pas armés pour accompagner leurs enfants dans cet univers numérique.
Pour inverser cette tendance, il est urgent de réhabiliter la lecture, que ce soit en format numérique ou pas. Lire, c’est exercer son esprit, enrichir son vocabulaire, développer sa pensée critique et sa créativité. Contrairement aux réseaux sociaux, cette activité n’impose pas un rythme effréné : elle invite à la lenteur, à l’introspection, à l’imagination. Là où les écrans dictent et capturent, le livre libère.
Plutôt que de les laisser à la merci des algorithmes, redonnons à la lecture la place qu’elle mérite — qu’il s’agisse d’un roman, d’une revue, d’un journal ou même d’une bande dessinée — ce n’est pas céder à la nostalgie, c’est transmettre aux jeunes les clés d’un avenir plus lucide, plus libre, plus éclairé.
